- MAMMIFÈRES
- MAMMIFÈRESDans l’état actuel de nos connaissances, définir scientifiquement ces Vertébrés que l’on nomme couramment Mammifères est une véritable gageure que nous ne nous proposons pas de tenir. Il semble pourtant, a priori, parfaitement possible, voire facile, de trouver des caractères généraux et communs à l’homme, au cheval et au rat. D’une façon plus générale, il est possible de définir un groupe de Vertébrés vivant actuellement , groupe auquel on donnera le nom de classe des Mammifères.Les quelque 3 500 espèces qui constituent la classe des Mammifères présentent les trois caractères fondamentaux suivants: corps couvert de poils, allaitement des petits grâce à des glandes lactéales et importante musculature faciale.Déjà, Aristote avait reconnu l’existence d’un ensemble de Vertébrés quadrupèdes, vivipares et porteurs de poils. Il faut tout de suite préciser que les Monotrèmes (cf. infra ) sont, dans ces conditions, exclus; ils ne furent découverts qu’au XVIIIe siècle. C’est seulement dans la dixième édition (1758) du Systema naturae que Linné emploie le terme Mammalia ; les Cétacés et les Cheiroptères, qui avaient jusqu’alors été respectivement classés avec les Poissons et les Oiseaux, prennent enfin une position systématique logique. Les grands traits de la classification des Mammifères sont fondés sur l’anatomie de l’appareil génital femelle, depuis les travaux d’Henri Ducrotay de Blainville (1834) et enfin de Thomas Henry Huxley (1880). Les trois sous-classes de Mammifères actuels sont les suivantes: les Protothériens (ovipares), ou Monotrèmes (ex. l’ornithorynque); les Métathériens, ou Marsupiaux (ex le kangourou), vivipares aplacentaires (avec des exceptions); les Euthériens ou placentaires vrais.Une telle classification, applicable aux Mammifères actuels, paraît simple. Les choses se compliquent lorsqu’on veut reconstituer l’histoire paléontologique des Mammifères. En effet, depuis la découverte par l’Américain E. D. Cope (1870) de Reptiles permiens d’Afrique du Sud présentant des caractères prémammaliens, les recherches paléoanatomiques n’ont fait que confirmer ce qui est devenu depuis un des plus beaux exemples concrets de l’évolution des Vertébrés: l’origine reptilienne des Mammifères. On connaît, à l’heure actuelle, un ensemble de formes s’étalant du début du Permien jusqu’au Lias (soit environ sur 60 millions d’années), qui constitue une suite d’étapes structurales allant du stade reptilien au stade mammalien. Ces étapes s’enchaînent, pour la plupart d’entre elles, logiquement les unes aux autres, parfois sans montrer de solution de continuité. Il devient alors très difficile de déterminer la frontière entre ces Mammifères fossiles et les Reptiles qui leur ont donné naissance. L’analyse d’une forme fossile ne peut évidemment porter que sur son squelette. Il a donc fallu déterminer un certain nombre de critères squelettiques, en particulier crâniens, cela afin de distinguer un «Reptile» permotriasique d’un «Mammifère» triasicojurassique. D’une part, cette détermination est encore à l’heure actuelle un problème très discuté; d’autre part, la recherche même des critères discriminatoires soulève un problème fondamental: celui de la valeur de la conception classique de la systématique animale.1. Origine des MammifèresPour montrer concrètement le «passage» Reptile-Mammifère, il faut analyser les trois exemples de transformations structurales crâniennes qui se sont produites au cours de l’évolution: la formation du palais secondaire, l’agrandissement de la cavité cérébrale, les modifications de l’articulation cranio-mandibulaire.Le palais secondaireLes prémices d’un palais «mammaliforme» apparaissent déjà chez les Reptiles Pélycosauriens (Permien). Mais c’est chez les Reptiles Cynodontes (Trias moyen) que l’on observe pour la première fois un palais mammalien complet (fig. 1). Les deux vomers reptiliens sont soudés en un seul vomer médian, tandis que des processus ventraux issus de chaque maxillaire et de chaque palatin s’affrontent sur la ligne médiane. Ainsi les narines internes (choanes) sont rejetées loin en arrière. Ces Reptiles mammaliens pouvaient donc déjà mâcher leur nourriture et respirer en même temps. À la fin du Trias, les Ictidosauriens présentent un palais secondaire complet.La cavité cérébraleChez les Pélycosauriens, comme chez tous les véritables Reptiles (fig. 2), l’épiptérygoïde est un os en forme de tige verticale posé sur le ptérygoïde. Chez les Thérapsidés, il prend plus d’importance, formant une lame allongée dans le plan sagittal médian, et il est soudé au basisphénoïde; l’épiptérygoïde commence alors à faire partie de la paroi de la cavité cérébrale. Enfin, probablement dès le début du Crétacé, le même territoire osseux s’incorpore complètement à la paroi de la cavité cérébrale, constituant l’alisphénoï-mammalien. Ainsi, la cavité qui existait, dans le crâne reptilien, entre l’épiptérygoïde et la dure-mère cérébrale a complètement disparu chez les Mammifères: le cavum epiptericum a été résorbé au cours de l’évolution.L’articulation cranio-mandibulaireChez les Reptiles, l’os carré, soudé au crâne, pénètre dans une cavité portée par l’articulaire de la mandibule, permettant ainsi la rotation (limitée) de la mâchoire inférieure autour d’un axe transversal passant par les deux os carrés. La columelle est le seul os placé dans la cavité tympanique de l’oreille moyenne, et elle est en liaison avec le carré.Cette disposition s’observe non seulement chez les Reptiles fossiles comme les Pélycosauriens (fig. 3 a), mais aussi chez les Labyrinthodontes et les Crossoptérygiens Rhipidistiens. La transformation profonde de cet état structural est un des phénomènes évolutifs les plus probants de la lignée reptilo-mammalienne.Dès les Cynodontes du Trias inférieur (fig. 3 b), on remarque que le dentaire constitue pratiquement toute la mandibule; l’articulaire est rejeté à la partie tout à fait postérieure de la mâchoire inférieure ainsi que l’angulaire dont une partie (lame réfléchie) se recourbe vers le bas. Chez les Cynodontes évolués (Diademodon), le groupe des os postdentaires est encore plus réduit et la lame réfléchie de l’angulaire accentue sa courbure. Parallèlement, le carré a considérablement diminué de taille.Au cours de son développement, la mandibule des Marsupiaux passe par un stade anatomiquement très proche de celui que l’on observe chez les Cynodontes (fig. 3 c). L’étude anatomique et morphogénétique de la mandibule et de l’oreille moyenne, chez les Reptiles et les Mammifères, a permis d’établir une théorie synthétique due, entre autres, à Reichert (1837) et à Gaupp (1913), théorie parfaitement étayée à l’heure actuelle, qui aboutit à dresser les homologies suivantes: la columelle, le carré, l’articulaire et l’angulaire des Reptiles correspondent respectivement à l’étrier, à l’enclume, au marteau et au tympanique des Mammifères. La comparaison de la région postdentaire chez les Cynodontes et l’embryon de Marsupial confirme la théorie de Reichert-Gaupp en même temps qu’elle lui donne une dimension évolutive nouvelle.Depuis le milieu du XXe siècle, on connaît même des formes fossiles qui présentent la double articulation, articulo-carrée (reptilienne) et squamoso-dentaire (mammalienne); c’est le cas d’un Ictidosaurien du Trias supérieur: Diarthrognatus. Enfin, chez les Pantothériens du Jurassique moyen, l’articulation reptilienne a complètement disparu, bien que les os postdentaires dussent encore être visibles extérieurement; ces derniers disparaissent totalement de la mandibule chez les Thériens du Crétacé.Parmi les nombreux autres cas de transformation anatomique, le changement d’orientation des membres par rapport au corps (cf. MEMBRES) montre que les Mammifères se sont détachés de la souche reptilienne permienne à la fois très lentement et très progressivement.Un trait essentiel de l’évolution des Mammifères est le changement de la morphologie dentaire. Beaucoup de Mammifères fossiles ne sont connus que par leurs dents.La figure 4 illustre les différentes étapes structurales qui caractérisent la complication de la dent, depuis la simple molaire à trois tubercules jusqu’à la molaire complexe des premiers Placentaires.2. Problèmes définitionnelsL’apparition progressive du «patron structural» des Mammifères au sein de la lignée reptilienne Synapside rend difficile l’estimation d’une «frontière» entre animaux de grade reptilien et Mammifères. Ce problème est lié au caractère paraphylétique du taxon «Reptiles» (nec Reptilia sensu, Gauthier; cf. REPTILES FOSSILES). D’où les diverses tentatives de définition du clade «Mammifères», tentatives qui donnent une bonne illustration de l’importance de la sémantique dans la recherche taxonomique. Cette réflexion n’est pas neutre, car l’utilisation d’une dénomination taxonomique plutôt que d’une autre «reflète notre vue de la structure du monde et peut profondément affecter nos communications sur cette structure» (Rowe, 1988). La définition de la classe des Mammifères a en effet beaucoup varié, de la position de Van Valen (1960), qui y incluait, outre les formes typiquement mammaliennes attribuables aux Monotrèmes ou aux Thériens, l’ensemble des Thérapsidés, et de celle de Reed (1960), qui élargissait ce taxon aux Pélycosaures Sphénacodontinés [cf. REPTILES FOSSILES], à celle de Kemp (1983) qui fait des Morganucodontidés des Mammifères à part entière.La définition des Mammifères qui semble maintenant devoir s’imposer est celle d’un taxon regroupant tous les descendants du plus récent ancêtre commun des Monotrèmes et des Thériens (Marsupiaux et Placentaires). Une telle définition exclut des Mammifères, outre bien sûr les Sphénacodontinés et les Thérapsidés, les Morganucodontidés et les Kuehneothériidés. De plus, contrairement à l’opinion de Rowe (1988) qui fait des Multituberculés un possible groupe frère des Thériens, les études de Wible (1991) montrent qu’en fait ce groupe serait le taxon frère de l’ensemble Monotrèmes-Thériens, ce qui amène à exclure les Multituberculés de la classe des Mammifères.À la suite de la découverte de Monotrèmes fossiles en Australie et en Argentine [cf. MONOTRÈMES], la place assignée à ces derniers dans la phylogénie des Mammifères a dû être révisée. Ils étaient jadis inclus dans la sous-classe des Protothériens qui comprend également les Triconodontes, petits carnassiers du jurassique moyen et supérieur, les Docodontes du jurassique supérieur (dont on a voulu rapprocher Morganucodon sur la base de similitudes au niveau de la mandibule) ainsi que les Multituberculés. Or, les Monotrèmes étant actuellement considérés comme plus proches des Thériens qu’on ne le pensait, la sous-classe des Protothériens n’est vraisemblablement pas monophylétique. Le débat porte donc désormais sur la place des taxons issus de son démembrement dans la phylogénie des Synapsides évolués.3. DiagnoseAinsi définis comme descendants du dernier ancêtre commun des Monotrèmes et des Thériens, les Mammifères sont caractérisés par onze synapomorphies crâniodentaires dont seulement cinq varient de manière non équivoque (Wible, 1991): l’absence de processus internasal du prémaxillaire dans le développement postnatal, les condyles occipitaux entourant les deux tiers ventraux du foramen magnum , un ethmoïde et des maxilloturbinaux ossifiés, des molaires dont les cuspides principales sont disposées en triangle, disposition inversée entre la mâchoire supérieure et la mâchoire inférieure, et l’absence de rides ptérygopalatines. D’autres synapomorphies peuvent être ajoutées à cette liste, mais les transformations des états de ces caractères n’ont pu être appréhendées de manière non ambiguë: une cochlée courbée ou spiralée, la présence d’une lame criblée de l’ethmoïde, l’existence de cinq incisives supérieures sont de tels caractères évolués, dont la distribution dans l’histoire de la lignée synapside près du niveau d’apparition des Mammifères n’est pas totalement éclaircie: voir à ce sujet les tableaux (fig. 5).Les Morganucodontidés (Morganucodon ) et leur groupe frère, constitué des Multituberculés et des Mammifères, forment le taxon des Mammaliaformes qui possèdent entre autres caractères: un promontoire du rocher, un contact bien développé entre le squamosal et le dentaire, un os interpariétal (ou postpariétal) différencié, un palais secondaire se terminant au niveau de l’extrémité postérieure des dents supérieures, un cavum epiptericum fermé ventralement par le prootique, etc.Avec Sinoconodon et les Tritylodontidés, les Mammaliaformes consituent le clade des Mammaliamorphes. Ils sont caractérisés par (entre autres apomorphies) la disparition de l’os préfrontal et du postorbitaire, la fusion du prootique et de l’opisthotique en un périotique (le rocher), des os dentaires non fusionnés au niveau de la symphyse, etc.4. L’origine des ThériensConnu par quelques dents depuis la fin du Trias, le grand ensemble des Pantothériens commence à prendre de l’importance au milieu du Jurassique avec des formes comme Amphitherium . Chez cet animal, l’articulation mandibulaire est purement mammalienne. Les dents sont diversifiées en incisives, canines, prémolaires et molaires; ces dernières possèdent déjà le talonide caractéristique des dents jugales des Thériens.On pense aujourd’hui que les Eupantothériens ont donné naissance aux Marsupiaux d’une part, aux Placentaires d’autre part, ce qui entraîne le fait que les Eupantothériens sont un groupe artificiel, paraphylétique, sans valeur pour la compréhension de la phylogénie des Mammifères, puisque certains Eupantothériens seraient plus proches des Marsupiaux que des Placentaires, et d’autres plus près de ces derniers que des Marsupiaux. Le paléontologiste américain W. A. Clemens a fait appel à l’acquisition du type dentaire tribosphénique pour proposer en 1969 une théorie selon laquelle un animal de grade eupantothérien serait l’ancêtre commun des Marsupiaux et des Placentaires. Après une extension géographique mondiale, les premiers n’existent plus dès le début de l’ère tertiaire, qu’en Australie et en Amérique du Sud. Ce dernier territoire est envahi par les Placentaires à la fin de la même époque, ce qui y entraîne la disparition presque totale des Marsupiaux (curieusement, l’un des plus primitifs d’entre eux persiste encore actuellement: c’est l’opossum).Marsupiaux et Placentaires représentent les deux rameaux de la dichotomie ayant affecté les Thériens: ceux-ci sont diagnostiqués par des ouvertures anale et urogénitale séparées, l’absence d’une coquille autour de l’œuf, l’existence d’un blastocyste à une seule lame, un œuf microlécithe à division holoblastique, une spirale cochléaire présentant au moins un tour sur elle-même, une fosse supra-épineuse sur la scapula et des glandes mammaires pourvues de tétines.5. Les PlacentairesLes Placentaires, ou Euthériens, pour la classification desquels nous suivrons ici la revue qu’en ont proposée Novacek et Wyss (1986), constituent le groupe frère des Marsupiaux ou Métathériens [cf. MARSUPIAUX]. Ils se différencient de ces derniers par un ensemble conséquent de synapomorphies concernant le trophoblaste, la présence d’un placenta chorio-allantoïdien pourvu de villosités, une gestation intra-utérine prolongée, des uretères latéraux par rapport aux éléments dérivés des canaux de Müller, un corps calleux entre les hémisphères cérébraux, l’absence de poche marsupiale et d’os marsupiaux (épipubis), des molaires supérieures bordées par des rangées de styles étroites, la fusion des canaux de Müller en un vagin, la présence de vésicules séminales, un foramen optique séparé de la fissure sphénorbitaire, etc.Si les Euthériens semblent bien définis comme groupe monophylétique, en revanche les relations unissant les différents ordres de Placentaires entre eux sont, en l’état actuel de nos connaissances, relativement mal définies. Il existe néanmoins un large consensus portant sur la position des Édentés Xénarthres: ceux-ci constitueraient le groupe de Placentaires actuels le plus anciennement détaché de la lignée [cf. ÉDENTÉS]. La situation des Pholidotes (Pangolins) est plus ambiguë, mais ils peuvent être éventuellement réunis avec les Édentés sur la base de synapomorphies telles qu’un frontal muni d’une importante expansion ventrale participant à la constitution de l’orbite et entrant en contact avec le palatin, un alisphénoïde restreint ventralement à la paroi de l’orbite et ne possédant pas dorsalement de large contact avec le pariétal, une échancrure ischiatique entièrement (Xénarthres) ou presque entièrement (Pholidotes) fermée pour constituer un foramen sacro-ischiatique.L’ensemble des autres ordres de Placentaires est réuni sous le nom d’Épithériens: dans la définition originale qu’en donne McKenna (1975), ceux-ci englobent les Pholidotes, mais d’autres chercheurs, tel M. Novacek, rapprochent préférentiellement ces derniers des Xénarthres. «Allégés» des Pholidotes, les Épithériens sont caractérisés par un stapes (étrier) bifurqué et un foramen ovale entièrement circonscrit par l’alisphénoïde et ne constituant plus une échancrure dans le bord postérieur de cet os.Les Primates et les Scandentia (Tupayes) partagent, avec les Dermoptères et les Chiroptères, un pénis pendulus suspendu par un fourreau réduit entre le scrotum et l’abdomen, et une facette sustentaculaire de l’astragale médialement en contact avec les facettes distales de cet os: ces synapomorphies permettent de caractériser un superclade des Archontes. De leur côté, Dermoptères et Chiroptères partagent plusieurs caractères dérivés qui autorisent leur regroupement dans le taxon des Volitantia [cf. CHIROPTÈRES].La position des Carnivores au sein des Épithériens reste sujet à débats, mais on peut les rapprocher des Créodontes fossiles sur la base de caractères dentaires et de traits relatifs à l’astragale et au calcanéus.Un autre ordre, celui des Tubulidentés (Oryctérope), résiste également aux techniques d’analyse cladistique: il a pu être rapproché de divers ordres d’Ongulés (des Artiodactyles, des Périssodactyles, des Notongulés ou des Condylarthres), des Insectivores Lipotyphla , voire des Pénongulés (Hyracoïdes, Siréniens, Proboscidiens).Les Insectivores actuels (Lipotyphla) avaient été rapprochés des Macroscélides (Rats à trompe) et des Scandentia (Tupayes) sur la base de caractères primitifs; l’hypothèse d’une parenté préférentielle avec les Primates, argumentée de caractères touchant au basicrâne, a été infirmée par l’étude de Lipotyphla fossiles.Les Lagomorphes et les Rongeurs sont, en revanche, unis par de nombreuses synapomorphies et forment indéniablement un taxon monophylétique, les Glires [cf. RONGEURS ET LAGOMORPHES]. Ceux-ci peuvent être rapprochés des Macroscélides grâce à des caractères dérivés communs concernant l’implantation de l’embryon dans l’utérus, la disposition de certaines branches du nerf maxillaire par rapport à l’alisphénoïde et celle de l’artère stapédiale et d’un nerf du rocher par rapport au tympan.Le regroupement des divers ordres d’Ongulés en un superclade n’est étayé que par quelques caractères dont les changements d’état les entachent de quelque ambiguïté. Novacek et ses collaborateurs préfèrent ne reconnaître la monophylie que des Téthythériens et des Pénongulés. Les premiers réunissent les Siréniens, les Proboscidiens et les Desmostyles fossiles: tous ces animaux possèdent, entre autres synapomorphies, des dents jugales bilophodontes ayant tendance à développer un lobe supplémentaire à partir de la partie supérieure du cingulum , des orbites déplacées vers l’avant et des prémaxillaires avec un important processus postérodorsal s’étendant autour de nasaux rétractés et s’approchant des frontaux. Les Téthythériens peuvent être groupés avec les Hyracoïdes (Damans) en un superclade des Pénongulés sur la base de plusieurs caractères dérivés communs, comme l’expansion du squamosal dissimulant la face ventro-latérale du processus mastoïde, l’extension du jugal vers la fosse glénoïde, l’existence d’un placenta zonaire dans le développement de la membrane fœtale, d’un sac vitellin libre et réduit et d’une vésicule allantoïdienne bien développée et quadrilobée.La position phylétique des Cétacés, des Périssodactyles et des Artiodactyles reste problématique.6. Mammifères actuelsNutrition et vie de relationTégument et annexesDeux formations tégumentaires permettent de définir sans ambiguïté les Mammifères actuels en face des autres classes de Vertébrés: les poils et les glandes lactéales.En outre, la peau reflète dans sa structure beaucoup des exigences imposées par l’homéothermie, caractère commun aux Oiseaux et aux Mammifères mais qui, chez ces derniers, a été un élément essentiel dans la conquête de niches écologiques extrêmement variées, dans les milieux terrestres, aquatiques et aériens, sur la quasi-totalité du globe.Les trois couches que l’on retrouve classiquement superposées dans la peau de tous les Vertébrés – épiderme, derme, hypoderme – présentent chez les Mammifères une particulière complexité (fig. 6).L’épiderme comporte de l’intérieur vers l’extérieur: une couche germinative, zone de multiplication cellulaire; une couche épineuse, qui doit son nom aux prolongements cytoplasmiques qui hérissent les cellules la constituant; une couche granuleuse, dont les cellules ont un cytoplasme chargé de grains de kératohyaline; une couche d’aspect homogène comportant des enclaves d’éléidine (à ce niveau, les cellules se kératinisent et commencent à dégénérer); une couche cornée, où les éléments cellulaires se réduisent à leur enveloppe de kératine et se détachent en squames. Le processus de kératinisation demeure obscur malgré les nombreux travaux qui lui ont été consacrés.Le derme , de structure beaucoup plus simple, comporte dans sa partie la plus superficielle une couche hérissée de papilles s’engrenant dans la couche profonde de l’épiderme, cependant que la strate la plus interne, riche en fibres, est pauvre en éléments cellulaires.L’hypoderme , parfois très développé (Suidés, Cétacés, etc.), a une structure très lâche; il renferme des groupes de cellules adipeuses constituant le lard.Le poil est une formation purement épidermique, qui se développe à partir d’un bourgeon de la couche germinative faisant saillie dans le derme. La couche épidermique profonde prolifère, se kératinise et forme la gaine épithéliale interne qui s’arrête au niveau de la glande sébacée appendue au poil. Une gaine épithéliale externe accompagne la tige pileuse jusqu’à sa sortie de la peau. Un muscle érecteur, attaché sur la gaine interne, permet le redressement du poil sous l’action de divers stimuli. La chute des poils, résultant de l’atrophie de la papille, peut s’effectuer de façon permanente et discrète, comme on l’observe dans l’espèce humaine, ou massive et saisonnière, donnant lieu à des mues.Les formations pileuses revêtent essentiellement deux formes: les poils de couverture, ou jarres; les poils de bourre, d’aspect laineux, jouant le rôle essentiel dans l’isolement thermique.Chez beaucoup d’espèces, de longs poils raides, les vibrisses, disposés sur certaines parties du corps (lèvre supérieure, sourcils, etc.), constituent des récepteurs tactiles importants.Parfois, les poils fortement kératinisés prennent l’allure de piquants jouant un rôle défensif (hérisson, porc-épic, échidné, etc.).Chez les Mammifères, le poil joue un rôle essentiel dans la coloration des individus, intervenant surtout dans le camouflage. Les espèces ne sont point rares qui possèdent un pelage différent l’été et l’hiver.Une autre formation tégumentaire joue un rôle capital dans les phénomènes de reconnaissance intra-et interspécifiques, ce sont les glandes odorantes . En plus des glandes sébacées, souvent associées aux poils, qui sont de type alvéolaire, la peau des Mammifères renferme une deuxième catégorie de glandes, les glandes sudoripares de type tubulaire. Les glandes odorantes de type alvéolaire ou tubulaire, souvent mixtes, distribuées de façon extrêmement variable selon les ordres et même les genres, ont des rôles multiples: marquage de territoire, reconnaissance intersexuelle, intra-et interspécifique, etc. Tout un système de signalisation odorante se trouve très développé chez la plupart des Mammifères macrosmatiques. En guise d’exemples, citons: les glandes sous-orbitaires des Cervidés (larmier) et de beaucoup d’Ongulés, les glandes génito-anales des Canidés, etc.Beaucoup plus rares chez les Mammifères microsmatiques, elles sont tout à fait absentes chez les Cétacés dépourvus de sens olfactif (anosmiques). Un type très particulier de glandes tégumentaires, les glandes lactéales , de type alvéolaire, sont toujours présentes chez les Mammifères et chez eux seuls. Se développant chez l’embryon à partir de zones épidermiques situées de part et d’autre de la paroi abdominale, elles se groupent, sauf chez les Monotrèmes, en une ou plusieurs paires de mamelles situées en position variable: inguinales, abdominales, pectorales, axillaires, etc.Au cours de la puberté, leur développement est provoqué par une hormone œstrogène: la progestérone. Une hormone hypophysaire, la prolactine, déclenche, après la mise bas, la sécrétion lactéale.La composition du lait – essentiellement des protéines, des graisses et du sucre (lactose) – varie dans les diverses familles. La richesse en protéine et en graisse est directement proportionnelle à la vitesse de croissance du jeune, après la naissance. Ainsi, dans l’espèce humaine, où l’enfant double son poids à la naissance en six mois, le lait de la femme contient 19 grammes pour 1 000 de protéines; chez le phoque, où le jeune ne met que cinq jours pour réaliser la même croissance, le lait contient 119 grammes pour 1 000 de protéines.Un certain nombre de formations cornées tégumentaires jouent un rôle important dans la biologie des espèces qui en sont pourvues: cornes et bois d’une part, ongles, griffes et sabots d’autre part. Les cornes creuses et permanentes des Bovidés coiffent une cheville osseuse soudée aux os frontaux; les bois pleins et caducs des Cervidés sont constitués d’une cheville osseuse recouverte durant sa croissance d’une peau veloutée. Ce velours se dessèche ensuite, laissant à nu le bois qui tombe bientôt. Très différentes de structure sont la ou les cornes nasales des rhinocéros, formations fortement kératinisées, dépourvues de squelette osseux.Les ongles, griffes et sabots de beaucoup de Mammifères sont des formations également kératinisées, dont la figure 7 montre les analogies structurales.SqueletteLe crâne mammalien, dont l’évolution est retracée par ailleurs, est avant tout caractérisé, dans ses réalisations actuelles, par le grand développement de la cavité cérébrale. Beaucoup d’os, présents chez les Reptiles, ont disparu, ou se sont fusionnés, de telle sorte que, malgré l’apparition de quelques os nouveaux, le nombre total des os crâniens d’un Mammifère est très inférieur à celui d’un Reptile.L’orbite possède une cloison profonde et communique primitivement avec la fosse temporale unique. Le complexe occipital porte deux condyles s’articulant avec la première vertèbre cervicale.La capsule optique est en position ventrale. Chez beaucoup de Mammifères, la cavité tympanique, entourée par une ossification spéciale, fait saillie à la face ventrale du crâne, formant la bulle tympanique. Le palais osseux secondaire, largement développé vers l’arrière, est prolongé par un palais membraneux séparant de façon presque complète les conduits buccaux et naso-pharyngiens. Cette disposition, assurant l’indépendance des voies respiratoires, contribue de façon notable à l’homéothermie par la ventilation permanente qu’elle autorise.Les fosses nasales, complètement séparées par une cloison médiane, renferment des os turbinaux tout à fait spéciaux aux Mammifères. Ces os, par l’importante assise qu’ils offrent à l’épithélium olfactif, jouent un rôle important chez les espèces macrosmatiques.Les maxillaires et prémaxillaires, ainsi que les mandibules constituées par un os unique (le dentaire), sont pourvus en principe (sauf chez les Cétacés) de dents différenciées (hétérodontie). Les générations dentaires successives et différentes sont fondamentalement au nombre de deux (diphyodontie) sauf chez les Édentés et les Cétacés.La très grande diversité des dentures permet des adaptations remarquables à la variété des régimes alimentaires [cf. DENTS].Ces adaptations sont à mettre en corrélation avec la musculature masticatrice et les modalités morphologiques et physiologiques du tube digestif.La colonne vertébrale, qui, chez tous les amniotes est différenciée en régions – cervicale, troncale, sacrée, et caudale –, est marquée chez les Mammifères par une subdivision de la région troncale en une portion thoracique, seule pourvue de côtes, et une portion lombaire.Les disques intervertébraux fibreux se développent entre chaque vertèbre, les liant les unes aux autres; celles-ci s’articulent par les zygapophyses.Les vertèbres, selon la région à laquelle elles appartiennent, ont des caractères propres. Les vertèbres cervicales sont au nombre de sept, à quelques rares exceptions près (Paresseux); les deux premières sont différenciées en atlas et axis comme chez tous les amniotes. Les régions thoracique et lombaire comportent un nombre variable d’éléments. La région lombaire est d’autant plus longue que l’animal est plus souple, les apophyses épineuses et transverses y prennent souvent un grand développement, en relation avec celui de la musculature. Les vertèbres sacrées, au nombre de trois à cinq, sont soudées en un sacrum. Les vertèbres caudales de dimensions réduites sont plus ou moins nombreuses selon le développement de la queue; chez les Anthropoïdes, dépourvus d’appendice caudal, elles se soudent en un coccyx.Les côtes, présentes seulement dans la région thoracique, sont articulées par deux processus aux vertèbres (type bicéphale). Les côtes antérieures sont seules en relation avec le sternum. Le sternum, commun à tous les tétrapodes, est divisé en sternèbres chez les Mammifères.La ceinture scapulaire, mis à part le cas très particulier des Monotrèmes, est réduite à l’omoplate et à la clavicule, cette dernière faisant généralement défaut chez les Mammifères adaptés à la course. L’omoplate présente une épine scapulaire connue chez les seuls Mammifères.La ceinture pelvienne s’articule aux vertèbres sacrées en avant de l’acétabulum; cette insertion préacétabulaire constitue aussi un bon caractère mammalien. Ilion, ischion et pubis se soudent en un os coxal.Les membres des Mammifères sont d’abord caractérisés par leur position parasagittale, qui constitue une importante modification de la position transverse reptilienne. Les différents segments des membres – stylopode, zeugopode, autopode – comportent une grande variété de disposition, en relation avec les adaptations à la locomotion terrestre, aquatique ou aérienne. L’évocation de l’aile d’une chauve-souris et de la patte d’un cheval suffit à marquer la diversité des dispositifs que l’on peut rencontrer. L’autopode connaît sans doute la plus grande variabilité, le nombre des doigts pouvant être compris entre un et cinq.Tube digestifUn petit nombre de caractères sont réellement communs à tous les Mammifères. La bouche est presque toujours pourvue de lèvres mobiles; les Monotrèmes, qui ont un bec, font exception. Les joues sont parfois développées en abajoues (Rongeurs, Primates).Les différents segments du tube digestif (œsophage, estomac, intestin) et les glandes annexes (glandes salivaires, foie, pancréas) sont sujets à de multiples variations, liées à la diversité des régimes alimentaires.L’œsophage est parfois kératinisé, il possède alors une couche desquamante (Rongeurs, Cétacés).L’estomac comporte généralement trois types de glandes: cardiaques, fundiques et pyloriques.L’intestin postpylorique, comme chez beaucoup de Reptiles, se divise en un intestin grêle et un gros intestin. La partie proximale, ou duodénum, de l’intestin grêle est toujours facile à caractériser par la présence des glandes de Brunner; l’iléum et le jéjunum par contre n’ont de signification que pour l’anatomie humaine.Le gros intestin se subdivise en un côlon plus ou moins sinueux, et un rectum court et rectiligne. Chez la plupart des Mammifères (excepté certains Insectivores et Rongeurs), la limite entre intestin grêle et côlon est marquée par un cæcum en position ventrale. Ce cæcum peut atteindre un énorme développement, comme chez le cheval ou le lapin où il joue un rôle digestif important. Chez l’homme, il est prolongé par un appendice vermiforme.L’orifice anal est séparé de l’orifice urogénital par un éperon périnnéen; seuls les Monotrèmes parmi les Mammifères possèdent encore un cloaque.Sang et appareil circulatoireParmi les éléments figurés du sang, les érythrocytes méritent une mention particulière: ils sont généralement arrondis (excepté chez les Camélidés où ils sont ovalaires) et toujours anucléés, l’hématie expulsant son noyau au cours de sa maturation. Ce dernier phénomène n’est pas absolument particulier aux Mammifères; les Amphibiens le présentent sporadiquement.Chez les Mammifères adultes, érythrocytes et leucocytes plurinucléaires prennent naissance en des points différents de la moelle osseuse rouge; cependant, la série lymphoïde trouve son origine dans les ganglions lymphatiques.C’est là un caractère original, car, chez les autres Vertébrés, la séparation des lignées lymphoïdes et myéloïdes n’existe pas, et les foyers d’hématopoïèse communs aux deux lignées sont situés différemment (rate chez les Sélaciens, tissu lymphoïde rénal chez les Téléostéens, etc.).Le cœur des Mammifères, divisé en quatre chambres, est caractérisé par la présence d’une crosse aortique dirigée vers la gauche, et non vers la droite comme chez les Oiseaux.Les travaux de Goodrich ont montré que le cœur mammalien ne pouvait dériver du cœur reptilien, ce qui conduit à supposer l’existence très précoce de deux voies évolutives divergentes chez les amniotes, divergence qui a dû apparaître déjà chez les Cotylosauriens de la fin de l’ère primaire.Parmi les nombreux dispositifs originaux de l’appareil circulatoire, citons la présence d’anastomoses entre veines et artères, ou retia mirabilia , que l’on trouve chez diverses espèces (Phoques, Cétacés, Paresseux, etc.) et dont le rôle est encore mal établi.Les battements cardiaques ont des rythmes très variables: de 70 par minute chez l’homme, ils peuvent atteindre 600 chez la souris, 970 chez la chauve-souris, 1 340 chez certaines musaraignes au cours d’une intense activité.Appareil respiratoireL’homéothermie trouve au niveau de l’appareil respiratoire ses réalisations anatomiques et physiologiques essentielles. La lutte contre le froid dépend en définitive de l’intensité des oxydations; la lutte contre la chaleur, de l’évaporation d’eau surtout au niveau des voies respiratoires supérieures. Chez les Mammifères, trois dispositions anatomiques importantes concourent au perfectionnement de ces échanges: la présence d’un diaphragme, qui rend beaucoup plus efficaces les mouvements de la cage thoracique; la séparation parfaite des voies respiratoire et alimentaire au niveau de la cavité buccale; l’extrême alvéolisation des poumons avec, chez l’Homme, une surface d’échanges de 200 m2.Appareil excréteurLe rein chez les Mammifères constitue l’organe excréteur principal; il est le siège exclusif de l’osmorégulation. Le foie et les glandes sudoripares jouent par ailleurs un rôle non négligeable dans l’élimination des déchets organiques.Le liquide excrété, l’urine, très riche en urée, représente ici le déchet principal du métabolisme des produits azotés; elle est surtout caractérisée par son hypertonicité par rapport au plasma. Cette possibilité d’excrétion d’une urine hypertonique tient au développement exceptionnel que peut prendre un élément du néphron [cf. REIN]: le segment grêle, ou anse de Henlé, au niveau duquel s’effectue la dialyse. Les études d’anatomie comparée ont permis dans les années récentes d’établir un rapport direct entre le développement des anses de Henlé, en nombre et en dimension, et les conditions climatiques dans lesquelles vivent les différentes espèces. Les Mammifères désertiques, pour lesquels l’économie de l’eau est un problème essentiel, ont des anses de Henlé extrêmement longues, alors que chez les espèces aquatiques ou de climat humide, elles sont courtes et rares. L’urine excrétée par certains Rongeurs désertiques peut avoir une pression osmotique près de vingt fois supérieure à celle du plasma.Comme chez tous les amniotes adultes, le rein des Mammifères est un métanéphros, et le conduit excréteur allant à la vessie est un uretère secondaire émané du canal de Wolf. La singularité anatomique réside surtout dans la présence d’une artère rénale unique et dans la disparition du système porte rénal [cf. AMPHIBIENS].Organes des sensL’olfaction occupe une place privilégiée dans l’ensemble de la classe: son plus ou moins grand développement conduit à diviser les Mammifères en macrosmatiques , où l’odorat est très développé, microsmatiques , où il l’est moins, et anosmiques , où il a complètement disparu.Parmi les os turbinaux des fosses nasales, l’un d’entre eux, l’ethmoturbinal, offre une assise plus ou moins large à la muqueuse olfactive. Les cellules olfactives de type bipolaire, dont l’axone traverse la lame criblée, sont en contact synaptique avec les cellules mitrales du bulbe olfactif. La nature exacte des stimuli olfactifs reste encore obscure. Quoi qu’il en soit, et contrairement à ce qui se passe chez l’Homme, microsmatique comme tous les Primates, l’odorat détermine chez beaucoup de Mammifères le comportement alimentaire, social et sexuel.L’acuité de la vision, qui demeure, même dans les cas extrêmes, inférieure à celle des Oiseaux, peut être réduite à néant, comme chez certains animaux fouisseurs. L’œil des Mammifères ne présente guère d’originalité hormis la vascularisation de la rétine et la présence de cils et de glandes (glandes de Meibomius) sur ces annexes oculaires que sont les paupières.Au niveau de l’appareil auditif, au contraire, beaucoup de caractères originaux se rencontrent chez les Mammifères. L’oreille externe est constituée par un pavillon auditif de formes très variées, mais presque toujours bien développé, qui dirige les sons au travers du canal auditif vers la membrane tympanique. Celle-ci est en relation avec le marteau, premier des trois osselets constituant l’oreille moyenne, dont l’importance phylogénétique a été rappelée précédemment. La caisse du tympan, renfermant ces trois osselets, communique avec le rhinopharynx par la trompe d’Eustache, homologue de la première fente branchiale des Poissons primitifs. Deux orifices, la fenêtre ovale et la fenêtre ronde, font communiquer l’oreille moyenne avec l’oreille interne. La fenêtre ovale, sur laquelle s’appuie l’étrier, est en contact avec l’utricule et les trois canaux semi-circulaires (sièges des organes statorécepteurs) ainsi qu’avec la lagena, ou canal cochléaire, renfermant les cellules auditives qui constituent l’organe de Corti. De la fenêtre ronde part une autre cavité: la rampe tympanique. Canal cochléaire et rampe tympanique, séparés par une lame osseuse, s’enroulent en un limaçon qui n’est présent que chez les Mammifères.La fréquence des sons audibles est extrêmement variable selon les espèces, l’oreille humaine ne percevant que celles qui sont inférieures à 20 kHz, alors que certains Cétacés sont sensibles à des fréquences de 170 kHz.L’écholocation, connue chez les Chiroptères, les Cétacés et certains Insectivores, ou le langage articulé chez l’Homme, sont des exemples remarquables de l’importance de l’audition chez les Mammifères.Quant aux sens cutanés, les parties nues de la peau, comme les pelotes plantaires et palmaires, riches en terminaisons sensorielles, sont particulièrement adéquates pour les perceptions tactiles. Souvent aussi des poils sensoriels, les vibrisses (moustaches du chat par exemple), participent de manière non négligeable à la réception de ce type d’information.Système nerveux centralC’est au niveau de l’encéphale que les Mammifères offrent les caractères essentiels qui permettent de comprendre leur extraordinaire capacité d’adaptation.La partie antérieure de l’encéphale, le télencéphale, atteint son développement maximal chez les Primates, et, des Monotrèmes à l’Homme, son importance relative croissante jalonne une ligne évolutive essentielle. Même chez les Mammifères les plus primitifs, au télencéphale relativement réduit, les autres portions du cerveau perdent l’autonomie fonctionnelle qu’elles ont encore chez les Reptiles.La structure du télencéphale mammalien est aussi très caractéristique. Des trois éléments fondamentaux qui le constituent – septum, striatum, pallium –, ce dernier prend une place prépondérante. Il se différencie en archi-, paléo-et néopallium. Le néopallium, ou cortex, discrètement annoncé chez les Sauropsidés, se développe aux dépens des deux autres formations qui se trouvent refoulées ventralement, et, surtout, il atteint un maximum de complexité histologique. Des six couches distinctes de cellules qui le composent, partent ou bien arrivent les fibres afférentes et efférentes reliant le néocortex aux autres formations encéphaliques. De nombreuses connexions nouvelles relient entre elles les parties gauche et droite du télencéphale, ainsi qu’avec les autres étages encéphaliques. L’accroissement en surface du néopallium s’effectue par un plissement de cette formation, réalisant les circonvolutions bien connues chez beaucoup d’espèces dites gyrencéphales. En outre, chez les Mammifères les plus évolués (Primates, Ruminants, etc.), un profond repli latéral de la masse télencéphalique enfouit dans la profondeur une partie du lobe pariétal, réalisant ce qui est généralement appelé un phénomène d’operculisation.La limite entre néopallium et paléopallium (ou rhinencéphale) constitue la scissure rhinale: sa position plus ou moins basse marque la croissance ventrale du néopallium. Grâce à des moulages endocrâniens sur des crânes fossiles, on a pu suivre plusieurs lignées évolutives allant toujours dans le sens de la réduction du rhinencéphale. La croissance du télencéphale dans son ensemble et l’apparition de connexions télencéphaliques nouvelles ont amené d’importantes modifications des autres parties de l’encéphale.Le diencéphale est marqué par l’accroissement du thalamus dorsal, devenu un relais essentiel entre les portions postérieures et le néopallium.Le mésencéphale s’enrichit dorsalement de deux nouveaux renflements qui, s’adjoignant aux lobes optiques des autres Vertébrés, constituent les lobes quadrijumeaux.Le cervelet (métencéphale) est un organe massif et volumineux. L’apparition d’un néocrébellum, siège d’importantes connexions avec le néopallium, est un fait marquant chez les Mammifères.Le bulbe rachidien (rhombencéphale) s’augmente d’un néorhombencéphale en relation avec néopallium et néocérébellum. La protubérance annulaire, constituée par les fibres reliant entre eux les deux hémisphères cérébelleux, est la partie nouvelle la plus visible de cette formation.La moelle, enfin, se complique chez les Mammifères, surtout en raison des projections télencéphaliques. Les voies ascendantes sensibles comprennent une forte proportion de fibres de la sensibilité épicritique (consciente) qui constituent notamment les faisceaux de Goll et de Burdach. Les voies descendantes comportent comme novation essentielle les voies pyramidales nées dans le néocortex.ReproductionAppareil génitalChez le mâle, la gonade (ou testicule) peut demeurer intra-abdominale (cryptorchidie), comme chez les Proboscidiens et les Cétacés, ou plus généralement migrer dans un scrotum de manière permanente ou temporaire durant la période de reproduction (Rongeurs, Lémuriens, etc.). Le canal évacuateur des produits sexuels est constitué, comme chez tous les amniotes, à partir de l’uretère primaire (canal de Wolf) qui devient le canal déférent à fonction exclusivement génitale. L’organe copulateur (ou pénis), pourvu ou non d’un os pénien, n’est pas abrité par un cloaque, sauf chez les Monotrèmes.Chez la femelle, l’ovaire connaît une activité cyclique de durée et de fréquence variables au cours de l’année, mais où se succèdent toujours une phase de repos (anœstrus ), une phase de maturation des follicules (proœstrus ), une phase de ponte ovulaire (œstrus ). Les conduits génitaux sont en discontinuité avec la gonade; ils dérivent des canaux de Muller et se divisent généralement en quatre parties: pavillon, trompe de Fallope, utérus, vagin (fig. 8).La disposition anatomique des deux derniers segments fonde les trois grandes divisions systématiques de la classe des Mammifères.Les Protothériens (Monotrèmes) ont conservé un cloaque où s’ouvrent les orifices anaux, urinaires et génitaux; chez eux, on ne peut reconnaître ni vagin ni utérus.Les Métathériens (Marsupiaux) possèdent deux vagins surmontés chacun d’un diverticule; l’accolement de ces derniers constitue un troisième vagin par lequel s’effectue la parturition.Les Euthériens ont tous un vagin unique, constitué par les extrémités des canaux de Muller, cependant que l’utérus peut être double ou unique par affrontement sur la ligne médiane des deux éléments qui fondamentalement le constituent.Développement embryonnaireLes Mammifères et les Sauropsidés (Reptiles et Oiseaux) constituent, au sein de l’embranchement des Vertébrés, le groupe des «amniotes». Ce terme évoque la présence d’une annexe embryonnaire: l’amnios, d’origine ectodermique, qui limite la cavité amniotique. Un autre diverticule d’origine endodermique, l’allantoïde, se développe à partir de l’intestin postérieur de l’embryon. Par opposition, les autres Vertébrés (Poissons et Amphibiens), dépourvus d’amnios et d’allantoïde, sont souvent appelés anamniotes; ils n’ont, comme seule annexe embryonnaire, que la vésicule vitelline commune à tous les Vertébrés.Outre cela, beaucoup de Mammifères possèdent un organe embryonnaire établissant une étroite relation entre la mère et le fœtus: le placenta. On doit insister ici sur le fait que le placenta n’est ni général chez les Mammifères, ni présent chez eux seuls. Les Monotrèmes qui sont ovipares n’ont naturellement aucune trace de placenta. La plupart des embryons de Marsupiaux possèdent un omphaloplacenta, irrigué par les vaisseaux de la vésicule vitelline, qui ne diffère pas fondamentalement de ce que l’on trouve par exemple chez certains squales. Ce qui est tout à fait original chez quelques Marsupiaux et la totalité des Mammifères Euthériens, qualifiés de Placentaires, c’est la présence, au stade embryonnaire, d’un allantoplacenta irrigué par les vaisseaux de l’allantoïde. Cet organe établit des rapports histologiques plus ou moins étroits entre la mère et l’embryon, et revêt des dispositions anatomiques variées selon les ordres et même les familles. Le lecteur trouvera à l’article EMBRYOLOGIE un exposé détaillé des divers types de placenta.ÉcologieComportementLa biologie de la reproduction a, chez les Mammifères, des caractères tout à fait originaux, en raison de l’existence chez la femelle de cycles œstriens à détermination hormonale, l’accouplement ne s’effectuant qu’au cours de l’œstrus. Certains Mammifères n’ont qu’un cycle œstrien par an (Pinnipèdes, Mustélidés), d’autres plusieurs au cours d’une période définie de l’année; chez d’autres encore, les cycles se succèdent tout au long de l’année (Primates). Quelle que soit la périodicité de l’œstrus, le rapprochement sexuel est sollicité généralement par les stimuli olfactifs émis par les glandes odorantes des femelles. Les parades sexuelles, sans être aussi spectaculaires que chez les Oiseaux, sont remarquables chez beaucoup d’espèces. Souvent les mâles se livrent de furieux combats pour la constitution de harems; le cas de l’éléphant de mer (Mirounga leonina ), qui est des plus connus, ne demeure pas isolé.Des couples monogames durables existent chez certaines espèces: loup (Canis lupus ), renard (Vulpes vulpes ), gibbon (Hylobates lar ), par exemple. À la naissance, le jeune Mammifère est le plus souvent une créature fragile et vulnérable, inféodée à sa mère, qui le nourrit de son lait pendant une période très variable, et lui prodigue une véritable éducation à laquelle participe très rarement le père. Le rôle des jeux, facile à observer chez les chatons et les jeunes chiots, est de grande importance dans cette éducation.Une véritable organisation sociale se rencontre chez beaucoup de Rongeurs, de Pinnipèdes, d’Ongulés, de Primates; elle peut aboutir à une chasse organisée en groupes comme chez le loup, ou assurer plus souvent une sorte de défense collective. Les colonies peuvent être composées d’individus des deux sexes ou être unisexuées comme chez les éléphants, les cerfs, les chauves-souris, etc.La notion de territoire , qui n’est pas particulière aux Mammifères, est facile à préciser chez ces derniers, où le territoire proprement dit représente la zone défendue par l’occupant contre les congénères; ses limites font généralement l’objet d’un marquage odorant. Le domaine vital est la zone régulièrement fréquentée par un individu ou un groupe familial; terrain de chasse ou de pâture, il est généralement plus étendu que le territoire, et plus vaste pour les carnivores que pour les herbivores. Le gîte enfin, où l’animal vient se reposer ou se dissimuler, peut être permanent et d’une construction très élaborée comme celui des castors, ou temporaire comme les nids que les gorilles abandonnent et refont chaque jour.Les migrations ne sont pas rares chez les Mammifères, aussi bien terrestres qu’aquatiques et aériens. Les chauves-souris, les Cétacés, les Pinnipèdes, divers Ongulés parcourent parfois de longues distances à la recherche de nourriture ou en relation avec leur comportement sexuel.Un autre phénomène qui peut paraître en contradiction avec l’homéothermie, qui a été soulignée comme un caractère mammalien, est l’hibernation ou sommeil hivernal accompagné d’une baisse importante de la température du corps. La totalité des chauves-souris, beaucoup de Rongeurs et d’Insectivores hibernent. Les physiologistes tendent aujourd’hui à considérer les hibernants comme des homéothermes «plus que parfaits», capables de régler au minimum leur température durant le sommeil hivernal.Répartition géographiqueGrâce à leur extraordinaire capacité d’adaptation, les Mammifères peuplent la quasi-totalité du globe. Les aires d’extension actuelles des différentes espèces sont le résultat d’un jeu complexe de barrières climatiques ou géographiques, de compétitions pour la conquête de niches écologiques plus ou moins strictes. La découverte de formes fossiles permet de tracer de manière plus ou moins hypothétique l’histoire des antécesseurs des espèces actuelles; beaucoup de formes aujourd’hui strictement localisées ont eu des ancêtres peuplant des territoires souvent beaucoup plus vastes et fort différents. Le cheval (Equus ), présent de nos jours dans des zones très restreintes de Mongolie et d’Asie centrale, a traversé une longue période de son histoire en Amérique du Nord. Les Proboscidiens, représentés à l’heure actuelle par deux seuls genres d’éléphants, l’un africain et l’autre asiatique, avaient, au Miocène et au Pliocène, une large aire de distribution septentrionale; ils atteignirent au Pléistocène l’Amérique du Sud. Les ancêtres de certains Marsupiaux actuels étaient présents en France à l’Oligocène. L’ensemble des connaissances sur les Mammifères fossiles permet d’établir avec une relative sécurité que les mouvements les plus importants de la faune mammalienne se sont effectués surtout à partir de l’Eurasie et de l’Afrique centrale, vers l’Afrique du Sud, l’Australie, l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud; des mouvements de moindre importance ont eu lieu de l’Amérique du Nord vers l’Eurasie.Si l’on excepte l’Homme, ce sont les chauves-souris et les Rongeurs de la famille des Muridœ (rats et souris) qui comportent les représentants actuels les plus cosmopolites, certaines espèces se trouvant dans la quasi-totalité du monde. Parmi les Carnivores, le loup est connu depuis l’extrême nord du Groenland jusqu’à la péninsule indienne; c’est un remarquable exemple de capacité d’adaptation climatique. À l’opposé, il ne manque pas d’espèces ou de familles strictement localisées, et pas seulement dans les régions insulaires.Rapports avec l’HommeL’Homme a noué au cours de son histoire des liens multiples avec les Mammifères plus qu’avec aucune autre classe de Vertébrés. Dès l’aube de l’humanité, les Mammifères ont fourni à nos ancêtres le vêtement protecteur et une grande partie de l’alimentation. La domestication de certaines espèces comme le bœuf, le mouton, le porc, a permis de satisfaire une grande partie des besoins humains en protéines animales, surtout si l’on y ajoute le lait et les produits qui en dérivent. L’histoire de la domestication des Mammifères n’est peut-être pas close; certaines espèces d’antilopes africaines offriront demain, en certains points du globe où la pénurie alimentaire risque de s’aggraver dangereusement, une solution partielle à ce problème.La place des produits tégumentaires – cuir, laine, fourrure – a décliné dans nos sociétés industrielles avec l’apparition de produits de synthèse pour l’habillement. Cette place fut longtemps primordiale; elle le demeure dans bien des sociétés archaïques. On ne peut omettre de signaler la totale inféodation de certaines peuplades à une espèce unique de Mammifères, pour la nourriture et pour l’habillement, l’exemple le plus clair étant sans doute celui des tribus esquimaudes qui dépendent essentiellement du phoque.L’utilisation du cheval comme animal de trait a beaucoup régressé dans l’ensemble du monde. L’âne, le chameau, le dromadaire, l’éléphant, le renne sont pourtant encore dans certaines régions du globe des auxiliaires indispensables à l’homme.Dans les sociétés évolutives, un rôle nouveau a été dévolu à quelques Mammifères en raison de certaines affinités avec l’homme: celui d’animaux de laboratoire. Souris, rats et cobayes jouent un rôle décisif dans les progrès de la biologie et de la médecine.Plus récemment, en raison d’analogies plus étroites sur certains points, le porc a pris une place importante dans la recherche médicale. Diverses espèces de Primates fournissent aux psychologues et aux psychiatres un matériel d’étude privilégié.On ne peut manquer de signaler pour finir le rôle bien connu des chats et des chiens, notamment, comme compagnons familiers des humains.
Encyclopédie Universelle. 2012.